E65 - Marcher, une activité pour avoir les idées claires
Au-delà du corps, quel est l’impact du sport sur notre esprit ?
Bienvenue dans Passerelles, un podcast pensé pour éveiller la curiosité des apprenantes et des apprenants de français. Je m’appelle Emilie et cette semaine, comme d’habitude, je vous invite à prendre quelques minutes pour qu’on réfléchisse ensemble à une question. Dans chaque épisode, j’essaye de vous proposer des sujets différents à explorer. Mon but, c'est juste de partager avec vous quelques pistes de réflexion et de vous encourager à vous poser des questions, en français. Aujourd’hui, on va parler de marche à pied. Et plus largement des effets du sport sur notre bien-être. Ceci n’est pas un épisode sur les bonnes résolutions. Même si, en ce début d’année, comme beaucoup d’autres personnes j’imagine, j’ai décidé de reprendre une activité sportive plus régulière, en commençant par une séance de yoga le matin. En ce début d’année, je commence aussi à développer un projet. Je cherche encore le mot exact pour le définir. Un cours, un programme, une nouvelle histoire pour cultiver votre curiosité. Dans cette ressource, vous allez retrouver ce que vous appréciez dans le podcast : des réflexions autour d’un thème et d’une question. Mais vous allez également y trouver des activités pour aller plus loin, pour travailler sur votre compréhension orale, sur votre approche dans l’apprentissage du français. J’aimerais que tout soit prêt pour le printemps. Mais je vous en dirai plus dans les semaines à venir. L’épisode d’aujourd’hui, il est inspiré par une petite mésaventure qui m’est arrivée à la fin du mois de décembre. Le premier jour de mes vacances, j’ai eu envie d’aller marcher et je me suis retrouvée avec une tendinite. Rien de grave au final. J’ai dû me reposer pendant deux- trois jours parce que je boitais. Boiter, ça veut dire marcher avec difficulté. En tout cas, marcher, ça me fait toujours du bien à la tête. [02:32] Cette semaine, on va se poser la question suivante : au-delà du corps, quel est l’impact du sport sur notre esprit ? D’abord, on va s’intéresser aux effets du sport sur notre cerveau. Puis, on va parler plus spécifiquement des bienfaits de la marche à pied. Et pour finir, on va voir comment le sport nous aide à poser notre esprit. On va réfléchir aux liens qui existent entre marcher et penser.
[03:20] Avant de rentrer dans le vif du sujet, j’ai quand même envie de prendre un instant pour vous souhaiter, à toutes et tous, une belle année 2023. J’espère qu’elle sera douce. Le temps, je sais que c’est quelque chose de très précieux. Alors, je suis vraiment reconnaissante que vous choisissiez de passer ces quelques minutes en ma compagnie. Et surtout, je suis reconnaissante que vous restiez à l’écoute, épisode après épisode, que vous preniez le temps de m’écrire, que vous souteniez ce podcast en le partageant autour de vous et aussi en devenant membre Patreon. Dans la première partie de cet épisode, on va donc s’intéresser aux effets du sport sur notre cerveau. On connaît bien son impact sur notre corps. C’est pour ça que je vais pas développer cet aspect-là aujourd’hui. Lorsqu’on pratique une activité sportive, notre corps travaille. On se dépense. Se dépenser, quand on utilise ce verbe pronominal, ça signifie faire du sport, courir, bouger, etc. En plus de tout ça, le sport peut jouer sur notre attention, sur notre concentration, notre mémoire, sur notre capacité d'apprentissage, mais aussi sur nos émotions et notre gestion du stress. Ces dernières années, on a découvert que l’activité physique a un réel impact sur le fonctionnement de notre cerveau. De nombreuses études l’ont démontré. L’une d’entre elles s’est intéressée aux effets cognitifs et émotionnels d’une activité sportive sur une vingtaine d’athlètes. D’abord, la chercheuse qui a mené cette étude leur a demandé de répondre à un questionnaire sur leur humeur actuelle. Ensuite, elle les a fait courir pendant trente minutes sur un tapis. Une petite précision : un tapis, c’est généralement un élément décoratif dans une maison. Mais ce mot évoque d’autres choses. Là, je parle du tapis de course, la machine qu’on trouve dans une salle de sport par exemple. Le matin, j’utilise aussi un tapis pour faire du yoga. Ce mot, on le retrouve dans des locutions, comme se prendre les pieds dans le tapis. Ce qui veut dire se tromper. Bref, à travers cette étude, l’idée était d’observer les effets d’une activité selon son intensité, modérée ou forte. Après avoir couru pendant trente minutes, les athlètes remplissent à nouveau un questionnaire et la chercheuse leur fait passer un IRM, autrement dit un examen pour observer leur cerveau. Ces observations ont permis de démontrer que tous les participants étaient de meilleure humeur après avoir couru, peu importe l’intensité de leur activité physique. Cette même étude a mené à une découverte surprenante. D’une part, faire du sport à faible ou à moyenne intensité favoriserait la concentration et l’attention. D’autre part, une activité sportive intense augmenterait l’activité du système de récompense. Les athlètes ressentent une sensation de plaisir après l’effort. Mais cette forte intensité induirait une fatigue attentionnelle et motrice. Induire, ça veut dire entraîner. Une activité sportive intense entraînerait une diminution de la capacité à se concentrer et des capacités physiques chez les athlètes. Je vous le disais tout à l’heure, le sport peut jouer sur notre attention et sur notre concentration. [07:30] Par ailleurs, pratiquer une activité physique a également un impact sur notre mémoire. Là aussi, de nombreuses études ont démontré que les effets du sport non seulement sur la mémoire, mais aussi sur la capacité à apprendre... Et bien, ces effets sont particulièrement importants chez les personnes à partir de la quarantaine et de la cinquantaine. Je vous donne l’exemple d’une étude pour illustrer ça. Un chercheur a étudié les effets d’une activité physique modérée et régulière sur le déclin cognitif d’un groupe de personnes. La particularité de ces personnes, c’est qu’elles présentent un risque élevé de développer une maladie d’Alzheimer par la suite. La moitié des participants ont juste été encouragés à avoir un mode de vie plus actif. Alors que l’autre moitié a participé à un programme sportif complet où ils devaient courir trois fois par semaine. Tout au long de l’étude, ils étaient accompagnés par un coach personnel. Au final, ceux qui suivaient le programme sportif ont obtenu de meilleurs résultats aux tests cognitifs. D’après les chercheurs, une activité physique régulière, c’est-à-dire plusieurs fois par semaine, stimule le cerveau et ralentit le déclin des fonctions cognitives. Un déclin qui est lié à l’âge et à certaines maladies comme Alzheimer. De la même manière, une autre étude a suivi un groupe d’environ cent vingt personnes faisant du sport régulièrement. Après une période de douze mois, les chercheurs ont vu que l’hippocampe des participants se développait. C’est une région de notre cerveau qui joue un rôle crucial pour notre mémoire. Par conséquent, la mémoire des participants s’améliorait. Le sport ne résout pas miraculeusement tous nos problèmes. Mais il peut nous aider dans notre gestion des émotions et du stress. Dès qu’on commence à se mettre en mouvement, des hormones sont libérées dans notre corps pour qu’il puisse s’adapter à cet effort. Après quelques minutes, on commence à produire du cortisol. C’est l’hormone du stress. Le cortisol nous permet de puiser dans nos réserves pour faire face à la demande d’énergie. Puiser, ça vient du mot puits. C’est un trou qu’on creuse dans le sol pour aller chercher de l’eau. Puiser dans ses ressources, ça signifie produire un effort. Encore une fois, les différentes hormones libérées dans notre corps nous aident à nous adapter dans l’effort. Notre cœur bat plus vite, notre respiration change. Toutes ces réactions, on les retrouve dans des situations de stress. Mais, en même temps, d’autres hormones sont sécrétées, celles qu’on appelle les hormones du bonheur, comme la dopamine par exemple. Elles atténuent les douleurs qu’on peut ressentir. Elles provoquent un sentiment de bien-être. Chez certaines personnes, elles peuvent même créer un sentiment d’euphorie. Pour simplifier, elles favorisent les émotions agréables et la régulation du stress. Faire du sport, ça aurait un effet apaisant sur l’anxiété. Pour certains troubles anxieux, en tout cas. Selon les directives du ministère de la santé, je parle de la France mais les recommandations sont similaires dans d’autres pays, il faudrait faire de l'exercice entre une heure quinze chaque semaine et au moins deux heures trente chaque semaine. La durée dépend de l’intensité de votre activité. Pour favoriser le développement du cerveau, bouger, c’est bénéfique. Mais, être dans un environnement stimulant, c’est tout aussi important.
[11:51] Dans la deuxième partie de cet épisode, on va parler plus spécifiquement des bienfaits de la marche à pied. En réfléchissant un peu à ce sujet, il y a deux choses qui me viennent à l’esprit. D’abord, la notion de temps. C’est vrai que pour marcher, il faut avoir du temps. Tout le monde n’a pas le luxe de pouvoir prendre une matinée, une journée pour aller marcher. Je pense aussi à la notion de plaisir. Pratiquer cette activité, je sais que... personnellement, ça me fait un bien fou. Je veux dire que c’est une activité qui fait que... je me sens bien. C’est quelque chose que j’apprécie énormément. En général, je marche seule. À côté de chez moi, il y a une rivière et j’y vais souvent le matin. La plupart du temps, je croise des gens en petit groupe. Parfois, je discute avec quelqu’un sur le chemin. C’est toujours une activité qui m’aide à éclaircir mes idées. Éclaircir les idées, ça signifie apporter plus de clarté, rendre claires des idées qui sont confuses. Je crois que c’est ça, le principal bienfait de la marche à pied. Évidemment, elle permet de prévenir certaines maladies. C’est une pratique de santé. Mais l’essentiel n’est pas là. Il y a autant de façons de marcher que de marcheurs. Aujourd’hui, je vous parle de mon expérience. La marche, je vois ça comme une façon de vider l’esprit ou plutôt de le filtrer, d’écarter le superflu, les pensées négatives que je peux avoir. Je laisse tout ça de côté pour atteindre un état d’esprit où... finalement, j’oublie où je suis, comment et pourquoi je marche. L’écrivaine Virginia Woolf évoque cette idée dans une phrase que je trouve très poétique : "les pensées en marchant sont faites à moitié de ciel." À travers la marche, j’ai l’impression d’être immergée dans le monde qui m’entoure. Je me concentre plus seulement sur moi, sur mon souffle, sur ma fatigue, mais aussi sur les odeurs, les sons et les paysages dans lesquels je me trouve. Ça me permet de retrouver plein de sensations et d’émotions. Et surtout, ça me permet d’être plus ancrée pour le reste de la journée, quand je m’assieds devant mon ordinateur pour commencer à travailler. Je précise que je m’assieds, c’est le verbe s’asseoir. Je m’arrête sur ça parce que ce verbe cause des soucis à beaucoup de mes élèves. C’est un verbe qui a deux formes de conjugaison en fait. Je m’assieds ou je m’assois. La première forme est plus littéraire. Dans nos sociétés occidentales, on est passé de la nécessité de marcher au plaisir de marcher. Pour les générations qui nous précèdent, la marche, c’était une obligation. J’ai le souvenir de ma grand-mère qui m’a toujours répété que, quand elle était petite, elle devait marcher pour aller à l’école. La marche était la manière élémentaire de se déplacer. De nos jours, c’est devenu un loisir. Mais elle reste une nécessité pour de nombreuses populations dans le monde. Je pense en particulier aux migrants, aux personnes qui fuient la misère ou la violence. Pour revenir aux bienfaits de la marche, elle est bonne pour la santé parce qu’elle permet d'élever notre niveau d'émotions agréables. Un peu plus tôt, on a déjà parlé de la dopamine. Et bien, quand on marche, on retrouve cette hormone dans notre cerveau. La dopamine joue un rôle important à la fois sur la sensation de plaisir et sur la coordination motrice, c’est-à-dire sur notre capacité à faire des gestes précis. On vit une époque où, de plus en plus, on reste assis. Les villes sont pas toujours adaptées aux marcheurs. Pourtant, la marche connaît un succès planétaire. Pour jouer avec les mots, je dirais que la marche aide à reprendre pied dans son existence. Reprendre pied, ça veut dire se sortir d’une situation difficile. Marcher, c’est une activité qu’on peut pratiquer seul ou à plusieurs. C’est un moyen simple non seulement de bavarder, de discuter, de rencontrer des gens, de se reconnecter à la nature, mais aussi de prendre soin de soi globalement. Encore une fois, il y a autant de façons de marcher que de marcheurs. Et c’est important de faire la différence entre le fait de se promener ou déambuler et le fait de se déplacer. Quand on se déplace, l’objectif, c’est d’aller d’un point à un autre. Quand on se promène, c’est d'être présent à soi et au monde qui nous entoure. En voiture, à vélo, à pied, on ne voit pas les mêmes choses. Marcher, c’est s’offrir le luxe de prendre son temps. La marche, comme le sport, ça fait pas disparaître nos problèmes. C’est juste un moyen de moins ressasser, de moins ruminer, de prendre du recul sur les pensées qui nous pèsent. En marchant, notre esprit s’ouvre à plein de choses. Au fil du temps, je remarque que mon rapport à la marche évolue. Au début, j’ai acheté un podomètre, vous savez, c’est ce petit appareil qui permet de compter ses pas. J’étais focalisée sur un objectif chiffré : faire mes dix mille pas. Assez vite, j’ai compris que c’était pas ça le plus important. D’ailleurs, en préparant cet épisode, je me suis interrogée sur cette affirmation. D’où vient cette idée qu’il faut faire dix mille pas par jour ? Au milieu des années 60, pendant les Jeux olympiques de Tokyo, une entreprise japonaise a lancé le premier podomètre de l’histoire. Le nom de cet appareil peut se traduire par "compteur de dix mille pas". Avec la marche, ou avec l’apprentissage d’une langue, l’important, c’est de trouver son rythme et de garder en tête que chaque pas compte.
[18:45] Avec les quelques minutes qui nous restent, on va réfléchir aux liens qui existent entre marcher et penser. Cette semaine, on se demande quel est l’impact du sport sur notre esprit. Une réponse possible, l’idée que je retiens en tout cas, c’est que le sport nous aide à poser notre esprit. Sur le thème de la marche, j’aime beaucoup les réflexions de David Le Breton. Il est professeur de sociologie et d’anthropologie. Par exemple, il écrit : "la mise en mouvement du corps est une mise en mouvement d’une pensée qui se libère des impasses où elle se tenait." Une impasse, c’est une rue ou une situation sans issue. Il écrit aussi que "la marche est un cheminement à l’intérieur de la pensée, de la mémoire, sans hâte, sans craindre d’être interrompu par un emploi du temps exigeant ou par une sonnerie intempestive. Elle invente pas à pas une autre voie, un autre point de vue sur les choses." J’ai commencé cet épisode en disant que ce n’était pas un épisode sur les bonnes résolutions. Je suis pas très fan des résolutions de début d’année, de cette idée que, le mois de janvier, c’est le bon moment qu’on attend pour faire quelque chose. Je crois que c’est important de s’écouter plutôt que de s’imposer une liste de choses à accomplir, une liste qui sera vite abandonnée. Bien sûr, ça aide de poser une intention pour se donner une direction. En 2023, pour mes envies, pour mes projets, mon intention, c’est d’oser me lancer maintenant, au lieu d’attendre l’occasion parfaite. Parce que c’est quoi au juste l’occasion parfaite ? Je suis pas sûre qu’elle existe. Pour revenir au sport, il nous aide à poser notre esprit quand notre attention papillonne. Papillonner, ça signifie passer sans arrêt d’une chose à une autre, comme un papillon qui vole de fleur en fleur. Dans la vie quotidienne, on fait souvent plusieurs choses à la fois. Notre esprit a du mal à se poser. Pour se ressourcer, c’est important de préserver des expériences où notre attention est profonde. Peu importe celui qu’on pratique, le sport exige qu’on soit pleinement présent. En 2023, moi aussi j’ai envie de faire du sport plus régulièrement. Pas parce que j’ai un objectif précis. Mais parce que.. à travers cette activité, mon corps travaille et mon esprit s’apaise.
Voilà ! C’est tout pour cette semaine. Comme d’habitude, je vous invite à rejoindre la communauté du podcast sur Patreon. C’est un espace d’échange où je partage des ressources et les transcriptions des épisodes. Pour soutenir le podcast, vous pouvez aussi en parler autour de vous et mettre une note sur Apple Podcasts et Spotify. Si vous avez écouté l’épisode jusqu’à la fin, n’hésitez pas à m’écrire pour partager vos réflexions avec moi. En attendant, je vous remercie d’avoir pris le temps de m’écouter aujourd’hui et je vous donne rendez-vous bientôt pour le prochain épisode. À très vite !