Salut 👋
Comme promis, voilà la transcription de l’épisode 79 de Passerelles.
Mon invitée du jour, c’est ma maman. Ensemble, on a parlé entre autres de l’importance de laisser ses enfants faire ce qu’ils ont envie de faire. De les laisser se faire leurs propres expériences pour qu’ils soient heureux et qu’ils s’épanouissent dans la vie. J’espère que cette conversation te plaira. N’hésite pas à partager tes réflexions et à poser tes questions dans les commentaires !
Bon week-end,
Emilie
Bienvenue dans Passerelles, un podcast pensé pour éveiller la curiosité des apprenantes et des apprenants de français. Je m’appelle Emilie et cette semaine, comme d’habitude, je vous invite à prendre quelques minutes, pour qu’on réfléchisse ensemble à une question. Dans chaque épisode, j’essaye de vous proposer des sujets différents à explorer. Mon but, c'est juste de partager avec vous quelques pistes de réflexion et de vous encourager à vous poser des questions, en français. Aujourd’hui, je vous retrouve avec une conversation. C’est un épisode très spécial pour moi, un peu plus personnel. Une conversation émouvante, comme vous allez l’entendre. Puisque mon invitée du jour, c’est ma maman.
En voyant ce que tu fais toi, en voyant ce que fait ta sœur, vraiment il me semble que vous avez pris des forces dans des tas de domaines et vous avancez. Vous… effectivement, on tombe, on chute, mais on se relève et on repart. Et puis c'est comme ça qu'on se forge et qu'on avance dans la vie.
Avant de continuer, une information importante : la transcription de cette conversation est disponible gratuitement. Le lien pour y accéder se trouve dans la description de cet épisode. Récemment, une auditrice du podcast m’a écrit pour me demander si je pouvais créer des épisodes où je parle plus vite, un peu moins clairement. L’épisode de cette semaine est parfait pour ça. Vous allez entendre ma mère parler de manière spontanée. C’est un bon défi, tout en sachant que vous pouvez utiliser la transcription pour approfondir votre compréhension. Dans le court extrait que vous venez d’entendre, on parlait de l’importance de laisser ses enfants faire ce qu’ils ont envie de faire. De les laisser se faire leurs propres expériences pour qu’ils soient heureux et qu’ils s’épanouissent dans la vie. Aujourd’hui, on va donc parler de famille, des liens qui peuvent exister entre un parent et son enfant. J’ai la chance d’avoir grandi dans une famille très soudée. Ma famille est soudée, ça veut dire qu’on a un lien étroit. Il existe un lien solide entre nous.
[02:50] Dans cet épisode, la question qu’on va se poser, c’est la suivante : Comment se construisent de bonnes relations familiales ? Avec ma mère, on a parlé de son enfance, de comment c’était pour elle de grandir en étant enfant unique, de sa vocation d’enseignante et des valeurs qu’elle a voulu transmettre à ma sœur et à moi. Être parent, c’est une leçon d’humilité. C’est faire comme on peut, en essayant de faire le mieux possible.
Pour commencer, je lui ai demandé de se présenter en quelques mots. Mais si vous êtes abonné.e.s à ma newsletter, c’est peut-être pas la première fois que vous entendez sa voix. Ma mère s’appelle Sylvie. Et dans la vie, elle est professeure des écoles. Autrement dit, elle est enseignante dans une école primaire. Au moment où on enregistre cette conversation, c’est l’été en France. C’est le moment des grandes vacances pour les professeurs et leurs élèves. C’est une période de repos, mais pas seulement. Quand on est prof, même quand on est en vacances, le cerveau continue de travailler. Il y a plein de choses à faire pour anticiper la rentrée de septembre.
[04:25] Cette conversation, on l’a enregistrée en plein air. On était assises sur la terrasse de notre maison. C’est pour ça que, de temps en temps, dans le fond, vous allez entendre le bruit des oiseaux. Ma mère vit dans un lotissement. Un lotissement, ça désigne un ensemble d’habitations. Pour vous aider à visualiser un peu, vous pouvez imaginer une rue avec, de chaque côté, des maisons entourées de jardins. Elle nous décrit le paysage, ce qu’elle voit depuis sa terrasse. Et elle nous parle aussi des bruits qu’on peut entendre quand on vit dans un lotissement.
On s'est installées sur la terrasse, au milieu de la verdure. J'ai la chance d'habiter à la campagne, tout en étant très très proche de la ville, avec un grand jardin. Donc, j'en profite un maximum. Donc, à l'heure actuelle, et ben le paysage devant mes yeux, c'est… c'est mes arbres, les arbres de mon terrain. Et puis de la verdure, beaucoup de verdure. Et bah on entend les petits oiseaux. On entend aussi le voisinage, mais bon c'est normal. On est dans un petit lotissement. Je suis à la campagne, mais quand même dans un lotissement, donc entourées de maisons. Mais bon, c'est quand même relativement calme, voire même très calme.
En deux mots, ce qui caractérise cet endroit, c’est donc la verdure et le calme. Et vous, si je vous demandais de décrire l’environnement dans lequel vous vivez, quels mots vous utiliseriez pour décrire votre maison, votre appartement, votre quartier ? On a emménagé dans ce quartier quand j’étais adolescente. Il me semble que j’étais au collège à cette époque-là. Cette maison, mes parents l’ont construite avec l’aide de la famille.
[06:17] Ce qui est drôle dans la rencontre de mes parents, c’est que mon père vient d’une famille nombreuse, une famille de onze enfants, alors que ma mère est fille unique. On dit bien que les opposés s’attirent après tout. Elle n’a pas toujours vécu dans la maison où elle vit aujourd’hui. Elle a grandi dans un autre lotissement, dans une autre ville du Pays Basque. Elle n’avait pas de frères et sœurs. Et pourtant, elle n’a pas vraiment eu le sentiment de grandir comme un enfant unique.
Disons que oui, effectivement, je suis fille unique. Mais j'ai pas l'impression d'avoir été élevée comme une fille unique. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, moi qui suis au contact d'enfants, je m'aperçois que l'enfant unique d'aujourd'hui est un peu l'enfant roi, l'enfant gâté. Moi j'ai pas cette impression, moi, de mon enfance. Même si j'avais pas de frères et sœurs, j'ai été élevée comme une petite fille classique, pas forcément plus gâtée que les autres, pas forcément plus chouchoutée que les autres. Beaucoup, je jouais beaucoup beaucoup à l'extérieur. C'est ça qui était important parce que, à cette époque-là, c'est vrai qu'on jouait beaucoup. Je n'habitais pas ici, mais dans une autre maison qui est sur Anglet, où il y avait beaucoup d'enfants de mon âge. Donc, du coup, on passait beaucoup de journées, de vacances justement, à l'extérieur à jouer au ballon, à faire du vélo, à faire différentes petites choses avec les voisins. Mais du coup, je n'ai pas vraiment cette… je n'ai pas été élevée dans un sens de vraiment enfant unique. Après, ce qui m'a manqué dans le côté enfant unique, c'est le côté de ne pas avoir dirons-nous quelqu’un à qui se confier. On peut se confier à son frère, à sa sœur je pense. Mais des fois, il y a des choses qu'on peut pas dire à ses parents, qu'on ne peut pas dire à ses amis. Et c'est ce côté-là qui m'a manqué. Puis après, dans ma vie d'adolescente, ça a été relativement… j'ai pas… j'en ai pas souffert. Maintenant, c'est aussi un peu compliqué, maintenant aussi, dans le sens où mes parents… j'ai la chance d'avoir des parents encore en vie, qui sont âgés, et en fait qui ne peuvent compter que sur moi. Et moi, je ne peux compter que sur moi pour pouvoir effectivement m'en occuper, subvenir à leurs… à différentes choses. Par chance, tout va bien pour l'instant, même s’ils sont très âgés. Mais c'est ce côté-là quoi, en fait, qui m'a manqué. J'ai pas souffert du tout de ce côté enfant unique. Parce qu'en fait, voilà, j'avais beaucoup d'amis, même au collège, au lycée. Voilà, j'avais des amis, je sortais, je faisais des choses. Mais il m'a manqué ce côté un peu… comment dire… voilà me confier à quelqu'un, pouvoir dire des choses qu'on ne dira pas forcément à sa mère ou à son père.
Dans le quartier de son enfance, elle a grandi entourée d’enfants de son âge. Ça me fait réfléchir à la possibilité d’une famille qu’on choisit, aux autres formes de liens qui existent. Moi j’ai la chance d’avoir une petite sœur. Mais au-delà des liens du sang, sur notre chemin, on peut aussi rencontrer des frères et des sœurs de cœur. J’ai parfois l’impression que… être enfant unique, c’est quelque chose qu’on associe à la solitude ou à l’ennui. Ma mère, de son côté, elle l’a pas vécu de cette manière-là. Aujourd’hui, elle se décrit comme quelqu’un de casanier, autrement dit elle aime rester chez elle à profiter de son jardin.
Après voilà, moi je n'étais pas… j'étais pas trop solitaire. Mais après, je suis quand même quelqu'un, et même encore aujourd'hui, qui aime bien lire, rester un petit peu dans ma petite bulle. Alors, effectivement on pourrait dire, moi à l'adolescence, que je me suis mise un petit peu dans une petite bulle et j'ai vécu dans ma petite bulle tout en ayant des amis, en bougeant, en sortant. Mais je passais énormément de temps dans ma chambre à lire, à écouter de la musique. Voilà, je suis quelqu'un d'assez… qu'on dirait entre guillemets “casanière”. J'aime vivre… même actuellement, c'est pareil, j'aime bien rester chez moi. Je m'allonge sur ma chaise longue, je lis, j'écoute les bruit des oiseaux. Et le temps passe et je ne m'ennuie pas. Enfin, je rêve dans ma tête, je fais des histoires dans ma tête. Et puis voilà, j'avance, je fais comme ça quoi.
Grâce à cette conversation, j’ai repensé aux idées, à la vision des choses que mes parents m’ont transmises. Ce qui m’a toujours marquée chez ma mère, c’est sa conviction que… que c’est hyper important de laisser ses enfants voler de leurs propres ailes. Voler de ses propres ailes, ça signifie être indépendant. Quand je lui ai annoncé que je voulais déménager à Taïwan il y a quelques années, bien sûr, elle était un peu inquiète au départ. Mais comme elle le dit bien, ça fait partie des expériences qui m’ont forgée, qui ont formé la personne que je suis et qui m’ont aidée à avancer dans la vie.
Alors effectivement, quand tu racontes l'idée que tu es partie… effectivement au début, ça nous a, autant papa que moi, inquiétés. Après, je pense que moi effectivement j’étais plus dans cette optique de laisser faire tout en donnant des conseils bien sûr, tout en essayant de cadrer les choses. Mais je pense qu'effectivement, un enfant moi, pour moi, c'est ça. On le fait pas pour “l'attacher”. Alors, l'anecdote justement si on revient à papa, c'était… on habite dans une maison où il y a un escalier, souvent je répétais : tu voudrais quand même pas qu'on les attache au pied de l'escalier ces enfants, il faut qu'elles volent de leurs propres ailes et qu'elles fassent des choses. Voilà après, je pense qu’il était finalement… lui aussi avait bien compris. Et vu que tout s'est très bien passé, il a été très content et très heureux de tout ça. Mais c'est vrai que moi, franchement, je pense que les enfants, il faut leur donner une éducation, il faut les lancer sur un chemin. Mais ensuite, je pense que c'est à eux de faire leurs propres expériences. Bien sûr, on est là pour les guider, pour leur expliquer, pour donner peut-être quelques conseils. Mais après, effectivement, voler [de leurs propres ailes]. Et puis, c'est vraiment très enrichissant. Je pense que c'est quand tu es jeune que tu peux faire des tas d'expérience. C'est pas quand après, tu es installé.e dans la vie, tu as une famille peut-être, un travail, une maison que tu vas tout quitter, tout lâcher. Après voilà, c'est quelque chose que peut-être moi je n'aurais pas fait de par mon caractère peut-être. Mais voilà, moi je suis très heureuse et j'ai l'impression que j'ai fait deux filles qui justement aiment bien se lancer des défis, partir, faire des choses. Et jusqu'à présent voilà… Et puis, je pense que c'est… toutes ces expériences-là ne font que forger le caractère des gens et aident les gens à avancer. Donc, c'est sûr que oui, et après je pense que si on revient encore à l'éducation d'autrefois… mes parents, moi par exemple, j'habite pas très loin de mes parents. Moi personnellement, je sais déjà dans ma tête que je peux compter sur mes filles quand je serai âgée, mais je ne veux pas… Dans mon esprit, c'est plutôt, je vais essayer de me débrouiller le plus tard possible toute seule, enfin, à faire un maximum de choses, pas forcément avoir mes enfants au pied du jardin ou à un kilomètre de chez moi. Si c'est le cas, tant mieux. Si c'est pas le cas, je pense que ma vie, je la fais pas… je me dis pas : ouh là là, mes enfants doivent rester là pour qu'ils s'occupent de moi quand je serai âgée. Pas du tout. Moi j'espère vivre très longtemps et dans de bonnes conditions pour pouvoir justement me débrouiller toute seule. Donc, je pense que les enfants, il faut les laisser faire ce qu'ils ont envie [de faire] pour qu'ils soient heureux et qu’ils s'épanouissent quoi, en fait. Finalement, je le vois tous les jours et par… en voyant ce que tu fais toi, en voyant ce que fait ta soeur, vraiment il me semble que c'est… vous avez pris des forces dans des tas de domaines et vous avancez, vous… effectivement, on tombe, on chute, mais on se relève et on repart. Et puis c'est comme ça qu'on se forge et qu'on avance dans la vie quoi.
[14:35] Avec ma mère, on a aussi parlé de son métier. Cette vocation, elle sait pas trop d’où elle vient. Ce dont elle est sûre, c’est qu’elle a toujours voulu être maîtresse d’école.
Écoute, je crois que je suis née avec. En fait, je crois pas que c'est d'un coup, j'ai pas eu cette vocation. C’est-à-dire depuis toute petite, j'ai envie de faire ce métier. Voilà, je mettais mes poupées assises sur le lit et je jouais à la maîtresse, j'imitais la maîtresse, je faisais la maîtresse voilà. C'est quelque chose que je pense que j'ai toujours voulu faire, sans me poser de questions. C'était vraiment le métier que je voulais faire. Donc, comme je te disais l'autre jour, petite anecdote, j'ai… voilà, à l'époque où moi je suis devenue enseignante en fait, on passait un concours directement après le bac. Donc, j’ai passé ce concours. Comme toujours, il y avait une attente des résultats du concours. Et mes parents m'avaient dit à l'époque, comme on peut encore dire à ses enfants : bon ben écoute, si jamais tu as pas le concours, il faut que tu fasses autre chose. Donc bon, je dis : qu'est-ce que je peux faire ? Bon alors là, j'ai vraiment pris je pense le métier au hasard, sans réfléchir du tout. C'est-à-dire que j'ai dit : bon ben, je ferai peut-être une formation de secrétariat, pourquoi pas ? Bon. Et du coup, la rentrée scolaire arrive, les résultats du concours tombent un certain jour, je dirais mettons un lundi soir. Et les cours à l'école qui à l'époque s'appelait Pigier, qui n'existe plus maintenant, qui formait des secrétaires, commençaient le lundi matin. Donc, je suis allée faire la première matinée. Après une première après-midi, on démarre le métier de secrétaire avec un texte à taper à la machine à écrire. Alors, ça aurait été aujourd'hui, j'aurais peut-être apprécié le métier de secrétaire vu que maintenant il y a l'informatique, il y a tout ça, c’est plus agréable. Là c'était une machine à écrire, donc tac-tac-tac-tac toute l'après-midi. Et là, j'ai dit : non c'est pas possible, il faut que j'ai ce concours, pourvu que j'aie ce concours. Et donc, je me vois très bien rentrer chez moi, dire à mon papa : j'espère que j'ai le concours, parce que je crois que je ne repars pas, c'est pas possible, je peux pas faire ce métier, c'est pas possible. Ben par chance, j’ai appelé et j'ai été prise au concours. Et donc, je suis partie voilà, super contente. Le lendemain matin, j'ai appelé l'école Pigier, j'ai dit : bon écoutez, je ne reviens pas, j'ai eu mon concours, donc je ne reviens pas. Bon très bien. Et voilà, je suis partie donc pour mes trois ans d'études. Alors effectivement, quand on fait ses études d'enseignant, j'ai fait des stages, j'ai fait des choses, ce qui m'a confortée dans l'idée que c'était ce métier que je voulais faire. Après, comme tout métier, c'est beaucoup de théorie. On se forme sur le tas, sur la pratique. Et franchement, depuis le temps que je suis enseignante, je n'ai jamais douté que c'était ça que je voulais faire. Franchement, c'est… voilà j'y ai passé des années, tous les ans et encore cette année voilà, je découvre tous les ans des choses et pourtant je suis vraiment presque au bout de ma carrière. Mais je vais encore découvrir des choses. Voilà, j'avais des petits de maternelle l'année dernière. Je repars à ma classe de prédilection l’an prochain qui va être la dernière année de maternelle et le CP. Le CP que j'ai fait toute ma vie, et qui est pour moi la classe la plus gratifiante, enfin que je trouve gratifiante. Parce qu'en fait voilà, on prend les enfants à zéro et on les amène à l'écriture, à la lecture, aux maths. Et puis les enfants, c'est l'innocence, c'est l'envie. C'est rare s’ils râlent. Alors bien sûr, c'est des enfants, donc ils sont pas toujours contents, mais ils ont toujours envie. Alors, je ne dis pas que peut-être, si j'avais été… moi je voulais être professeure des écoles, c'est-à-dire chez les plus jeunes. Alors, pour l'instant, ma classe la plus haute a été CE1. Je pense que je n'aurais pas aimé, moins aimé, je ne sais pas, j'ai jamais eu mais dans ma nature… Les CM1-CM2, c'est une autre relation. Ça commence déjà à être des pré-ados. Et je pense que par contre, professeure, c'est pas mon truc quoi. J'aurais pas aimé enseigner au collège ou en lycée. Ce que j'aime, c'est voilà les enfants plus jeunes, faire plein de choses avec eux. Donc franchement, d'où me vient cette vocation ? Je pense que je l'ai eue depuis le départ, depuis ma naissance comme je dirais ! Mais non, j'exagère mais, de tout temps franchement. C'est quelque chose que j'aime, et que j'aime encore, et que j'aimerai encore, et qui m'a comblée je pense professionnellement. Je suis comblée dans ce que je fais.
Beaucoup de vocabulaire intéressant dans cet extrait. Quand elle mentionne, le CP, le CE1, le CM1, le CM2, ce sont juste les noms des différentes classes, des différents niveaux à l’école primaire. À un moment, elle dit : pourvu que j’aie ce concours quand elle évoque le concours pour devenir enseignante. Pourvu que (+ subjonctif), on l’utilise pour exprimer un souhait, pour dire : j’espère que je vais l’avoir ce concours. Ce que retiens de ce passage sur sa vocation, c’est qu’après bientôt quarante ans de carrière dans l’enseignement, elle est comblée dans son métier. Elle reste heureuse et satisfaite dans ce qu’elle fait.
[19:51] Pour la petite anecdote, ma sœur et moi, on est allées dans la même école primaire où ma mère travaille encore aujourd’hui. En plus d’être ma maman, elle a donc aussi été ma maîtresse pendant l’année du CP. Un choix et une expérience dont elle garde de bons souvenirs.
Voilà, tout à fait. Alors ça, ça a été un choix de ma part. Beaucoup d'enseignants ne veulent pas avoir leurs enfants dans la classe. Bon moi, ça a été un choix. Je n'ai pas réfléchi. Ça a été un choix plus pratique à la base, au départ. Parce que voilà, on part ensemble. On est à l'école. On n'a pas besoin de courir si on a une réunion, à dire : mon Dieu, elle est à la garderie, il faut que j'aille la chercher. Ça, je l'ai vécu quand vous étiez bébé, quand vous étiez à la crèche où il fallait respecter des horaires, parce qu'il fallait aller vous récupérer. Mais voilà, moi je me suis pas posé de questions quand a été le temps de vous mettre à l'école. Et puis voilà, dans les petites anecdotes, c'est… alors c'est pas trop moi. Moi j'étais : à l'école, j'étais la maîtresse. C'était la maîtresse, c'était plus maman, c'était la maîtresse quand vous étiez dans ma classe. Et voilà, moi ce qui me marquait beaucoup, c'est justement vous, cette faculté que vous aviez autant l'une que l'autre à couper et à faire une différence. C'est-à-dire que l’école où vous avez été, c'est l'école où je suis toujours, il y a un petit portail qu'on franchit pour rentrer dans la cour, on franchissait ce petit portail, je devenais maîtresse, quand vous étiez dans ma classe bien sûr. Quand après, vous n'étiez pas dans ma classe, c'était maman toujours. Mais l'année où vous avez été dans ma classe, vous franchissiez le portail, je devenais la maîtresse. On refranchissait le portail dans l'autre sens, sur le trottoir, je redevenais maman. Et vous ne m'appeliez plus maîtresse, vous m’appeliez maman. Donc, c'est quelque chose qui m'a marquée. Autre événement. Je te disais l'autre jour, les vacances, les grandes vacances avant d'être dans ma classe, beaucoup de gens autour de nous, alors des amis, la famille, des choses te répétaient sans arrêt : alors tu vas être dans la classe de maman, alors tu vas être dans la classe de maman ! Bon, pendant un petit moment, je pense que tu n'as pas répondu. Jusqu'au jour où je pense tu en as eu marre. Et pour toi, je pense que comme moi je le vivais très bien et je n'avais pas mis une pression sur vous en disant : attention vous allez être chez maman, il faut être sage, il faut que vous comporter comme des bonnes élèves… Comme ça s'est fait tout à fait naturellement, je pense que là, à ce moment-là, toi tu as dû répondre, et je te vois bien répondre, je ne sais pas à qui c'était, dire : Bah ouais, et alors ? Je vais être chez maman. Et alors ? Maman, c'est une maîtresse. Voilà, c'est comme ça. Et puis dernière petite anecdote qui était très très drôle. C'est donc ta soeur, donc tu as dit, qui était dans ma classe. Et en général, le lundi matin, on faisait le “quoi de neuf ?” C'est-à-dire que les élèves venaient dire à la maîtresse ou parler devant tout le monde. Et Laura donc vient près de moi et me dit : Tu sais maîtresse, hier avec maman, on a fait un gâteau. Alors là, il y a eu un petit blanc. Je me suis dit 30 secondes : ouh la la, mon dieu. Mais bon, après écoutez, moi j'ai continué normalement. J’ai dit : Ah oui, d'accord Laura ! Et j'ai continué, j'ai abondé dans son sens. Et alors, je ne sais pas si ça se passerait maintenant pareil, mais à cette époque-là par exemple, dans la classe, personne, je dis bien personne n'a relevé et n'est venu voir Laura en lui disant : Ah ben bien sûr, elle le sait, c'est ta mère ! Personne ne l'a dit. Donc en fait, je pense que dans la tête des autres élèves, moi mon attitude face à vous en fait, quand vous étiez dans ma classe, faisait que vous étiez considérées comme les élèves, vous étiez punies comme les autres, a fait que finalement personne n'a relevé et n’a dit : Ah ben non, de toute façon, tu le sais déjà, c'est ta mère. Elle le sait, c'est ta mère. Donc ça, c'est vraiment un truc, j'y repensé l'autre jour. Je me suis dit : ben finalement voilà ! Est-ce que les choses ont été… Voilà, je pense que les choses se sont faites naturellement, sans mettre de pression, sans que moi je fasse de différence avec les autres. Et donc, je pense que ça… enfin pour moi, perso, ça s'est bien passé. Après vous, je pense que vous… je ne sais pas, je pense que oui, mais… que ça s'est bien passé pour vous aussi. Après, est-ce que vous aviez un caractère qui s'y prêtait ? Est-ce que j'avais un caractère aussi ? Je ne sais pas, mais en tout cas moi, je n'ai que des bons souvenirs de ce moment-là.
[24:13] La question qu’on se pose cette semaine, c’est : comment se construisent de bonnes relations familiales ? Moi j’ai cette chance d’avoir une famille aimante, une famille bienveillante, des parents qui m’ont toujours soutenue. Je sais que tout le monde n’a pas la même expérience. J’ai la chance d’avoir une maman qui a toujours été là pour moi. Donc, c’est tout à fait naturel de… en retour, d’être présente pour elle. Je sais pas s’il y a un secret pour avoir de bonnes relations de famille. Mais je sais que, chez nous, on essaye de faire des choses ensemble, on s’écoute. Je dirais que l’une des clés, c’est la communication.
Après voilà nous, on était aussi, je reviens à l'idée de casanier, on était quand même des gens, je pense, très famille. C'est-à-dire très… on faisait beaucoup de choses ensemble. Avant ton départ à Taïwan, on a fait notre dernier voyage à Londres ensemble. On est parti tard ensemble en vacances, etc. Il y a des jeunes ados, bah il y a longtemps qu’ils partent plus avec leurs parents et tout. Moi je pense qu'on avait… ce que je retiendrais moi plutôt, c'est ça, c'est en fait les valeurs, elles se sont transmises par ce cocon qui fait qu’on a vécu et on vit encore finalement dans une sorte de… c'est nous quoi. Et puis les autres, ils venaient interférer là-dedans. Mais je pense que ce cocon-là a fait que… on s'est soudés, on a avancé, on vous a donné des… du respect et des choses. Moi, je reviens toujours à ce respect. Parce que ce qui me frappe voilà, c'est même toi, quand tu étais à Taïwan, si tu faisais quelque chose, tu nous en informais, tu disais voilà… Après, comme je te dis, bah c'est normal, on n'est pas toujours d'accord avec vous, mais bon il faut accepter d'avancer et de… certaines choses et tout. Mais je pense que c'est surtout ça quoi, tu vois, je… Et puis ce lien comme ça. Et puis, je pense que nous, entre nous, c'est un lien qui nous unit, cette façon de toujours parler ensemble, de communiquer, d'essayer d'expliquer les choses quoi. Enfin, il me semble que c'est ça quoi, tu vois, je vois pas trop pour l'instant d'autres choses mais bon. Après, je pense que je vais pas aller plus loin, mais c'est vrai que je me dis, quand je fais mon analyse de maman, de vie, de choses, je me dis finalement quand je vois ce que vous êtes devenues aujourd'hui, je me dis bon je pense que j'ai pas raté quelque chose. Je me jette peut-être des fleurs, mais je me dis bon je pense que j'ai inculqué des bonnes bases qui font qu'aujourd'hui, elles sont solides et elles avancent et que bon… et que quand même ce que j'ai fait, c'est bien quoi.
Je vous le disais que c’était un épisode émouvant. On arrive à la fin de cette conversation. Ces jours-ci, je réfléchis beaucoup aux relations qui peuvent exister entre un parent et son enfant. Et je me dis que c’est très précieux d’avoir enregistré cette conversation avec ma maman. On peut être surpris de ce qu’on apprend de ses parents si on prend le temps de s’asseoir et d’avoir des conversations plus profondes. Être parent, finalement, c’est faire comme on peut, en essayant de faire le mieux possible.
Quand moi je n'étais pas maman, je posais un regard sur les autres et je disais : ah mais non, je ferai pas comme ça. Et ensuite, quand tu es maman, ça te change. Ça te transforme, etc. Mais du coup, tu… comme je disais… ce que j'ai dit, c'est qu'en fait, j'ai essayé de faire le mieux que je pouvais, en essayant de faire quelque chose de… voilà de donner le meilleur, pour essayer de donner toutes les chances de vie et tout. Et je disais : j'ai fait comme j'ai pu. J'ai fait comme j'ai pu, parce qu'en fait c'est facile de juger, c'est facile de dire : Ah bah celui-là, regarde-le comment il fait là dans le magasin. Vas-y, ça va pas du tout. Punaise, il peut pas se… non. Un enfant après, il nait, tu as un enfant. Tu as beau élever tes enfants, tu vois, vous deux, bah vous êtes totalement différentes. C'est-à-dire… pourtant vous avez eu la même éducation. On a partagé les mêmes choses. On est très soudés. Mais chacune des deux a sa façon d’aborder les choses. Il y a pas de manuel pour être parent. Ça s'apprend pas. Bon, il y a des choses logiques, qui nous paraissent logiques. Tu te dis : non mais, c'est comme ça qu'il faut faire et pas autrement. Mais en fait, je pense que ça t'apprend un peu d'humilité d'être parent. Dans le sens où, ben voilà, tu fais comme tu peux, en essayant de faire le mieux possible. Mais bon, on va pas repleurer comme tout à l'heure, mais on va revenir à la même chose de tout à l'heure, c'est que j'espère et je pense avoir donné, avoir réussi à faire quelque chose de bien et d'avoir donné le maximum de choses. Donc, c'était ça le truc. C'est qu’on fait comme on peut. [Exactement. Merci maman !] Ben merci Emilie à toi. Écoute, j'ai passé un très bon moment et c'était très agréable finalement. [Et après, je pense que c'est bien aussi, un conseil peut-être que je partagerais aux gens, d'enregistrer des conversations comme ça, avec ses parents. Parce que c'est quand même riche de pouvoir ensuite réécouter…] Exactement ! Oui, tout à fait. Parce que c'est des choses qu'on pourra pas forcément… voilà. Et effectivement, il y a beaucoup de moyens modernes maintenant qui permettent justement de garder des souvenirs qu'on n'a pas… qu’autrefois on n'avait pas.
[Merci maman !] Merci Emilie !
Voilà ! C’est tout pour cette semaine. Comme d’habitude, je vous invite à rejoindre la communauté du podcast sur Patreon. C’est un espace d’échange où je partage des ressources et les transcriptions des épisodes. Pour soutenir le podcast, vous pouvez en parler autour de vous et mettre une note sur Apple Podcasts et Spotify. Et puis, si vous avez écouté l’épisode jusqu’à la fin, n’hésitez pas à m’écrire pour partager vos réflexions avec moi. En attendant, je vous remercie d’avoir pris le temps de nous écouter, ma mère et moi, et je vous donne rendez-vous bientôt pour le prochain épisode. À très vite !