Salut 👋
Comme promis, voilà la transcription de l’épisode 88 de Passerelles. Mon invitée s'appelle Nadia. Dans sa vie, elle a pas mal bougé. Elle a vécu dans plein d’endroits différents. Elle est passionnée par le théâtre, les langues, les mots, les histoires. Et si écrire en français, c’est quelque chose qui t’attire, ou au contraire qui t’intimide un peu, je t’encourage à écouter cette conversation. N’hésite pas à partager tes réflexions et à poser tes questions dans les commentaires !
Pour en savoir plus sur Nadia, pour connaître les futures dates de ses ateliers d’écriture, tu peux la retrouver sur Instagram.
Bon week-end,
Emilie
Bienvenue dans Passerelles, un podcast pensé pour éveiller la curiosité des apprenantes et des apprenants de français. Je m’appelle Emilie et cette semaine, comme d’habitude, je vous invite à prendre quelques minutes pour qu’on réfléchisse ensemble à une question. Dans chaque épisode, j’essaye de vous proposer des sujets différents à explorer. Mon but, c'est juste de partager avec vous quelques pistes de réflexion et de vous encourager à vous poser des questions, en français. Aujourd’hui, on se retrouve avec une nouvelle conversation. Ce sera la dernière de cette année. Notre invitée du jour vous invite à aborder l’apprentissage tout en douceur, en créativité et en curiosité. Elle vous aide à mettre des nuances dans votre français. La voix que vous allez entendre, c’est celle de Nadia.
En plus du côté déstabilisant du déménagement, de changer d'endroit, de perdre ses repères, il y a déjà un premier mini choc culturel quand on le vit à l'étranger. Ce que j'adore dans les déménagements et quand j'arrive dans un endroit inconnu, dans une ville inconnue, c'est vraiment le fait que tout est à découvrir et tout est possible. Et j'adore passer beaucoup de temps à marcher dans ma nouvelle ville, dans mon nouveau quartier.
Avant de continuer, une information importante : la transcription de cette conversation est disponible gratuitement. Le lien pour y accéder se trouve dans la description de cet épisode. Quand je pense aux belles rencontres que j’ai eu la chance de faire ces dernières années, Nadia est l’une des personnes qui me viennent à l’esprit. Il y a pas mal de choses qui nous relient dans nos approches de l’apprentissage. La curiosité, l’émerveillement aussi. L’émerveillement, c’est un mélange d’étonnement et d’enthousiasme. On peut s’émerveiller des choses les plus simples, d’un mot ou d’une expression, des choses qu’on découvre dans une nouvelle ville. Dans sa vie, Nadia a pas mal bougé. Elle a vécu dans plein d’endroits différents. Elle est passionnée par le théâtre, les langues, les mots, les histoires. Et si écrire en français, c’est quelque chose qui vous attire, ou au contraire qui vous intimide un peu, je vous encourage à écouter la suite de cette conversation.
[02:53] Dans l’épisode de cette semaine, la question qu’on va se poser, c’est la suivante : Comment la langue dans laquelle on pense, dans laquelle on écrit influence notre vision du chez-soi ? Avec Nadia, on a parlé de déménagements, de l’idée de chez-soi, de ce que ça signifie pour elle et de son beau projet d’ateliers d’écriture.
Pour commencer, je vais resituer un peu le contexte avant de passer la parole à notre invitée. Nadia a pas mal bougé dans sa vie. Et elle habite à Toulouse aujourd’hui, une ville du sud-ouest de la France. Depuis quelques années, elle enseigne le français langue étrangère. Et elle a fondé une petite entreprise qui s’appelle Sous l’amandier. Un amandier, c’est un arbre qui produit des amandes. Quand je lui ai demandé pourquoi elle a choisi ce nom, elle m’a expliqué que… pour elle, ça évoque un arbre qui nous protège du soleil par son ombre, qui peut nous protéger de la pluie. C’est un espace où on se sent en sécurité. Il y a aussi un aspect rencontre, un aspect arbre à palabres où on vient se poser avec des ami.e.s. On vient raconter des histoires sous un arbre. Dans Sous l’amandier, il y a cette idée que parole et arbre sont deux choses qui sont liées. Vous commencez à voir que dans l’univers de Nadia, il y a beaucoup de poésie.
[04:42] Au moment de notre conversation, elle venait d’emménager dans un nouvel appartement. Dans l’extrait que vous allez écouter, elle nous décrit la pièce où elle se trouve, une pièce qui n’est pas encore à son image, mais une pièce où il y a déjà un meuble qui raconte une histoire.
Donc, là, je suis dans mon tout nouvel appartement. J'ai emménagé il y a quelques semaines, deux semaines. Et du coup, j'ai pas encore fini d'emménager. Donc, en fait, autour de moi, il y a plein de cartons à moitié ouverts. Il y a plein de bazar. J'ai même pas encore de lit. Donc, il y a pas non plus de déco. C'est une pièce qui est pas encore à mon image. Je dois encore la construire. Mais dans cette pièce, il y a un meuble, une petite commode en bois foncé pas très jolie, un peu branlante, un peu de bric et de broc. Et cette armoire, cette commode, elle appartenait à ma grand-mère. Elle l'avait dans sa chambre de jeune fille. Et j'aime beaucoup parce que j'ai l'impression qu'il tisse un lien entre moi et ma grand-mère à travers le temps et l'espace. Donc, il y a ce meuble-là que j'aime beaucoup. Et puis, il y a aussi quand même déjà pas mal de plantes, ce qui est très important pour moi. Les plantes, ça me permet de prendre soin de quelque chose. Ça m'apprend la lenteur, la résilience. Puis, ça me met vraiment en joie de les voir grandir, quand tout d'un coup il y a une petite pousse qui est apparue. Et il y a une plante qui a une histoire un peu particulière parce que sa maman, donc la maman de cette plante, c'était une plante qui était chez ma maman quand j'étais petite. Et le jour où j'ai quitté la maison à dix-huit ans, elle m'a fait une petite bouture de cette plante et elle me l'a offerte. Et c'est celle-là. Donc, ça fait quinze ans que cette plante, elle me suit partout. Elle a passé un an en pension chez ma cousine quand je suis partie au Canada. Elle m'a suivie en Italie et elle est toujours là.
Dans ce nouvel appartement, on trouve des plantes et cette petite commode de bric et de broc. Elle est intéressante cette expression. Si je dis que mon appartement est meublé de bric et de broc, ça veut dire qu’on y trouve des meubles aux styles différents, rassemblés un peu au hasard. L’idée que je retiens, c’est que les objets qui décorent nos maisons, quand ils nous ont été transmis par nos proches, ils racontent quelque chose des liens qui nous unissent. Depuis quinze ans, Nadia a quasiment déménagé chaque année. Elle a principalement déménagé pour les études. Mais les déménagements qui l’ont le plus marquée sont ceux qu’elle a fait à l’étranger. Je l’ai vécu moi-même quand je suis partie à Taïwan.
[07:51] Déménager à l’étranger, c’est vraiment un grand saut dans le vide, une grande aventure. C’est déstabilisant et excitant à la fois. Selon Nadia, l’expérience d’habiter à l’étranger, même pour une courte période, c’est vraiment différent de l’expérience de voyager. Elle nous explique pourquoi.
En entrant dans les maisons, en entrant dans le système de location, c'est déjà une entrée énorme dans la culture du pays. Ne serait-ce que les fenêtres des maisons qui sont pas pareilles, les relations de voisinage qui sont pas pareilles. Et donc, c'est déjà un premier... En plus du côté déstabilisant du déménagement, de changer d'endroit, de perdre ses repères, il y a déjà un premier mini choc culturel quand on le vit à l'étranger, qui peut être très très excitant aussi, mais qui renforce le côté un peu déroutant je trouve. Ce que j'adore dans les déménagements et quand j'arrive dans un endroit inconnu, dans une ville inconnue, c'est vraiment le fait que tout est à découvrir et tout est possible. Et j'adore passer beaucoup de temps à marcher dans ma nouvelle ville, dans mon nouveau quartier. Et j'ai aussi des... effectivement peut-être, j'ai toujours avec moi des objets qui vont me permettre d'avoir un ancrage, d'avoir une continuité, de permettre que tout ne soit pas entièrement nouveau. Parce que ça serait peut-être trop difficile. Donc, ça peut passer par des objets. Par exemple, quand je suis partie au Canada ou en Angleterre, je suis vraiment partie juste avec une valise. Donc, pour me recréer un petit chez moi, j'avais des images, des photos, des cartes postales que j'aimais bien et que je mettais sur les murs de ma chambre. Et ça me permettait de poser mon regard sur quelque chose de familier. Parce que dans un environnement où tout est nouveau tout le temps, ça peut devenir vraiment fatiguant et émotionnellement difficile parfois. Remettre un peu de familier et puis chercher le familier dans l'inconnu, c'était aussi trouver les lieux qui me permettent de me sentir chez moi. Donc, des lieux qui sont importants pour moi. Par exemple, trouver le marché, trouver la bibliothèque, une petite librairie, un petit café, un parc. Des endroits où je vais pouvoir me sentir bien. Et là aussi, quand ça se passe à l'étranger, parfois, on est déjà confronté à une différence culturelle. Parce que oui, en France, on a la chance de pouvoir avoir des librairies dans toutes les villes. C'est pas le cas dans tous les pays. Un marché local bio, c'est pas le cas non plus partout. Et voilà, pour moi, ça, c'est déjà la première expérience de l'étranger, un fonctionnement différent et ne pas forcément retrouver ce qui est familier.
Remettre un peu de familier, chercher le familier dans l'inconnu, trouver des lieux d’ancrage, tout ça, ça aide à se sentir chez soi dans une nouvelle ville. Et puis, ça passe aussi par le fait de rencontrer des gens, tisser des liens avec le monde immédiatement autour de soi. Maintenant qu’elle s’est installée à Toulouse, j’ai demandé à Nadia si c’était la fin des déménagements pour elle.
Non, je me vois continuer à déménager. Un petit peu moins fréquemment, parce que, en fait, à force de déménager quasiment tous les ans, j'ai quand même fini par perdre un peu mes repères. J'ai pas une maison d'enfance où je peux retourner me ressourcer. Mes parents et mes grands-parents, ils ont aussi beaucoup déménagé. Donc, à un moment, j'ai vraiment compris que c'était important d'avoir un ancrage quelque part, un endroit où on peut retourner. Et donc, moi, je me suis installée ici à Toulouse. J'ai décidé d'acheter un appartement. Mais je vois pas ça comme un endroit où je vais rester pour toujours. Pour moi, c'est plus comme un camp de base où je peux retourner, je peux revenir pour pouvoir repartir en fait. Je crois qu'il y a quelques personnes qui ont peut-être ça à l'intérieur d'elles-même, cet endroit très solide à l'intérieur d'elles-même. Peut-être parce qu'elles ont une enfance qui leur a permis de construire ça. Moi, c'était pas mon cas. Mes parents ont divorcé quand j'étais enfant. Donc, j'ai toujours été entre deux maisons en fait. J'ai toujours été dans ce mouvement de balance. Et je pense que c'est pour ça que j'ai été facilement dans le mouvement, dans le déménagement, mais que j'ai fini par comprendre que j'avais besoin d'un chez moi justement pour pouvoir repartir explorer le monde.
Avec Nadia, on a beaucoup parlé de cette idée, le chez-soi, et de ce que ça signifie pour elle. En plus de ses expériences à l’étranger, elle a vécu longtemps à Paris. Quand elle va à Paris aujourd’hui, elle se sent chez elle. Elle a l’impression de rentrer à la maison même si elle a pas de "maison" là-bas. Mais elle connaît bien les lieux. Elle connaît certaines rues comme sa poche. Connaître un endroit comme sa poche, ça veut dire le connaître par cœur. Nadia n’a pas encore cette sensation de rentrer chez elle quand elle revient à Toulouse. Même si elle sait que plus elle va partir et plus elle va revenir, plus elle aura cette impression qu’elle rentre à la maison.
[13:57] L’idée de chez-soi, c’est quelque chose qui a beaucoup travaillé Nadia ces dernières années. Elle nous raconte comment un atelier d’écriture créative en anglais l’a aidée à voir cette idée sous un nouveau jour.
J'ai participé à un atelier d'écriture créative en anglais animé par Trisha, qui est la créatrice de Vagabond English, qui accompagne les personnes qui veulent écrire en anglais, que ce soit leur langue maternelle ou pas. Et le thème de l'atelier, c'était home. Et j'avais hésité à participer justement pour cette raison. Parce que c'était une période où je me sentais vraiment déboussolée, en manque de repères, où j'avais pas de maison, pas de foyer. Et je sentais que ça allait m'éveiller trop d'émotions ce thème, home. Je l'ai fait quand même. Et la première activité de l'atelier, c'était un remue-méninges, donc un brainstorming, qui est une activité géniale que j'adore faire, dans laquelle en fait on propose un thème ou un mot. Et l'idée, c'est dans un temps très court d'associer tous les mots, toutes les idées, toutes les images qui nous viennent par rapport à ce mot. Ça permet un peu de rassembler des choses autour d'un concept sans trop y réfléchir, sans trop analyser, critiquer, etc. Et donc là, c'était home, le thème. Et quand j'ai commencé à faire ce remue-méninges et à voir ce qui venait, ce que mon esprit associait en anglais au mot home, c'était pas du tout ce à quoi je m'étais attendue. Et en fait, assez vite a émergé l'idée d'un sentiment. Home, c'est un sentiment, une émotion intérieure. Ce que j'avais pas du tout perçu comme ça en français avec l'idée de chez moi que j'attachais à quelque chose de très territorial en fait. Et plus tard dans l'atelier, on a écrit sur ce thème. Et ce qui est vraiment revenu, c'est cette chose de sentiment et ça a été la présence de mes amies notamment, le rôle de mes amies qui sont là depuis très longtemps, qui sont un pilier et qui sont... Quand je vais chez elles, je me sens chez moi en fait. Et oui, ça a vraiment été une belle découverte de me rendre compte que penser à ces notions-là dans une autre langue, ça pouvait vraiment ouvrir des horizons. Et j'ai été très émue par... Pendant cet atelier, j'ai été très émue. Et cette émotion et cette prise de conscience, ça a été tellement fort que j'ai osé, à la fin de l'atelier, prendre la parole pour partager. Ce qui est loin d'être évident pour moi, dans une langue étrangère, avec des inconnus, avec des personnes dont l'anglais était pour beaucoup la langue maternelle, je l'aurais jamais fait je pense en temps normal. Et là, l'émotion a été tellement forte que j'avais trop envie de le partager. Donc, ça me semble intéressant à noter, ce qu'est capable de faire un atelier d'écriture.
Quand on change de langue, on change de vision du monde. En pensant, en écrivant sur cette idée en anglais, une nouvelle vision du chez-soi s’est dessinée pour Nadia. Un peu plus tard, elle a vécu une expérience similaire avec le mot déménager.
Je me rends compte que plus je conscientise, plus j'ai cette expérience de réfléchir dans d'autres langues et de me dire, de voir ce que réfléchir dans d'autres langues ça m'apporte, ce que ça change dans ma pensée, dans ma perception, plus c'est facile en fait. Et donc, quand j'étais en train de préparer ce dernier déménagement et qu'il y avait plein de choses qui remontaient à la surface et que j'étais un peu encore une fois en manque de repères. Là, c'est venu tout seul. Tout d'un coup, je parlais en anglais dans ma tête et donc je racontais dans ma tête mon déménagement. Et donc, je disais move au lieu de déménager. Et là, ça m'a frappée d'un coup. Je me suis dit : mais en fait, c'est pas du tout la même chose déménager et to move. Déménager, il y a le dé en français, il est privatif. Et je pense que les mots, ils forgent vraiment notre vision du monde et notre pensée. Et donc, je pense que dans ma tête dé-ménager, il y a quand même un côté un peu négatif où on me prive de quelque chose, on m'enlève quelque chose, ou un arrachement, quelque chose de cet ordre. Alors que dans to move, il y a juste waouh c'est le mouvement, c'est la vie en fait. Et ça m'a tellement soulagée de me rendre compte de ça.
Si ces questions de chez-soi, de déménagement vous travaillent vous aussi, je vous rappelle que j’ai déjà consacré un épisode du podcast à ce sujet. Ça remonte à septembre 2021, je crois. À cette époque-là, je venais de quitter Taipei.
[19:27] On va maintenant passer à un sujet tout à fait différent, l’écriture. C’est quelque chose que Nadia a toujours eu en elle. Et ce désir d’écriture, il a fini par émerger dans son travail sous la forme d’ateliers d’écriture destinés aux apprenantes et apprenants de français. Dans la création de ce projet, il y a eu plusieurs déclics. D’abord, elle a fait écrire certains de ses élèves en cours. L’idée, c’était pas d’écrire sur des sujets de réflexion comme ceux qu’on peut avoir pour un examen comme le DELF. C’était plutôt de proposer des sujets plus créatifs, plus amusants, comme des descriptions, des histoires, des souvenirs. Et Nadia a été ébahie par ce qu’elle voyait. Elle a été ébahie, autrement dit elle a été étonnée, elle a été surprise par les textes de ses élèves.
J'ai été ébahie déjà par tout ce que les gens avaient à dire, à raconter, par leur humour qu'ils arrivaient à mettre dans des textes courts dans une langue étrangère, par leur poésie, leur colère. Enfin, toutes les émotions qu'ils arrivaient à mettre. Et en fait, j'ai été ébahie aussi par ce que ça leur apportait au niveau linguistique et au niveau confiance en eux de passer par l'écrit. Et c'était dans ces moments-là aussi qu'on arrivait à des discussions sur les nuances des mots, les nuances des prépositions. Et c'est là que je voyais le plus d'étoiles qui s'animaient dans leurs yeux en fait. Et c'est là qu'on retrouvait l'émerveillement de la langue étrangère. Et je crois que ça m'a donné vraiment vraiment envie de travailler autour de l'écriture. Et je veux préciser quand même que quand je dis écrire, je fais jamais écrire pour apprendre à écrire. Il y a beaucoup de... Parce que même si, moi, je suis convaincue des bienfaits que ça apporte d'écrire dans une langue étrangère, j'ai beaucoup de mal à faire écrire mes élèves quand même. Je crois que c'est parce qu'on est tous un peu... On associe l'écriture à l'école, à la production écrite, à des règles, il faut écrire bien, il faut écrire un texte avec un début, avec une fin, cohérent, sans répétition, correct grammaticalement, donc avec énormément de contraintes. Et moi, c'est pas ça du tout que je vise. C'est passer par l'écrit pour développer d'autres compétences, pour développer... pour prendre confiance en soi, pour prendre plaisir et pour développer la fluidité. En fait, on peut vouloir écrire pour mille raisons. Mais en tout cas, je voulais juste préciser que je fais pas écrire pour apprendre à écrire. Et peut-être, il y a eu un autre déclic qui est que moi j'ai commencé à participer à des ateliers d'écriture en français pour moi. Et en fait, j'ai vraiment découvert le plaisir d'écrire et le plaisir de découvrir des choses sur moi, à propos de moi, en écrivant et le plaisir de vivre tout ça avec d'autres personnes en même temps. Et ça a été tellement fort que j'ai eu envie de créer des espaces pour que d'autres puissent vivre ça.
Automne, mot manquant, hypothèses, ce sont quelques exemples des thèmes choisis par Nadia pour ses ateliers d’écriture. Elle choisit des thèmes qui l’inspirent, comme automne. En parlant d’inspiration, Nadia mentionne une certaine Amélie dans l’extrait que vous allez écouter. Elle fait référence à Amélie Charcosset qui, elle aussi, propose des ateliers d’écriture. De mon côté, j’ai eu l’occasion de suivre un programme qu’elle propose en autonomie, un programme qui s’appelle Matin Crayon. Et j’avais trouvé ça vraiment super. Je mettrai les infos dans la description de cet épisode si ça vous intéresse d’en savoir plus. Mais revenons à Nadia. Pour ses ateliers, elle choisit des thèmes qui l’inspirent mais aussi des thèmes qui ont un lien fort avec le langage.
Parce que je trouve ça fort d'écrire dans une langue étrangère autour d'un thème qui nous invite à penser la langue ou les mots. Et c'est pour ça que mot manquant, c'était cette idée de... quand on apprend une langue étrangère, il y a toujours des moments où on veut dire quelque chose puis on a pas les mots, soit parce qu'on les connaît pas, soit parce qu'en fait dans cette langue le mot n'existe pas. Donc, on se retrouve confronté à ça. Et hypothèses, bien sûr je pense que tous les apprenantes et apprenants de français vont penser aux règles de grammaire pour construire une hypothèse en français qui souvent leur donnent du fil ordre. Mais dans l'atelier, on fait pas du tout de grammaire, on parle pas de grammaire. C'est justement... L'objectif, c'est justement de se lâcher un peu la grappe avec la grammaire, avec l'exactitude, avec la perfection. Et par exemple... En fait, un thème, c'est une porte d'entrée, c'est ce qui va nous donner de l'élan et cadrer la créativité. Mais c'est en rien quelque chose de limitatif, de restrictif. C'est juste un mot qui vise à nous mener quelque part. Et en fait, il y a autant de façons de l'interpréter qu'il y a de participants. Et c'est toujours des... moi, ce que j'amène, c'est toujours des propositions. Il y a jamais de réponse. Il y a pas de réponse juste. Et donc, sur le déroulé en fait, d'abord j'introduis le thème. Alors, je dois dire que justement j'ai été pas mal inspirée par la façon dont Amélie [Charcosset] propose ses ateliers. Parce que quand j'ai suivi ses ateliers, je me sens vraiment comme dans un cocon. C'est un moment où je découvre plein de choses. Et donc, ça m'a vraiment inspirée moi pour créer mes propres ateliers. Et donc, je commence à partir de... J'introduis le thème avec une ou deux ressources. Ça peut être une chanson, un petit texte, une image qui permet d'entrer dans ce thème. Ensuite, je propose un échauffement qui peut être justement un remue-méninges comme j'évoquais tout à l'heure ou une activité d'écriture automatique. L'idée, c'est de lâcher le... de mettre le cerveau en mouvement et de lâcher la critique, de lâcher le stress, de juste on y va. Et l'écriture, l'entrée dans l'écriture, elle se fait en douceur et elle est progressive au fur et à mesure de l'atelier, c'est-à-dire que d'abord on va écrire des mots, puis dans l'activité suivante on va écrire des listes et dans l'activité suivante on va écrire des phrases et puis un petit texte. Et à chaque... Les temps d'écriture sont très courts. C'est entre deux et sept minutes. Et le fait d'écrire dans un temps court, ça peut faire peur à certains aussi, mais en fait c'est ce qui aide à écrire. Parce qu'on a pas le choix en fait. Donc, on y va. Et l'objectif, c'est vraiment d'écrire avec le français qu'on a, de pas passer son temps dans le dictionnaire à chercher des mots, parce qu'en fait on a, quel que soit notre niveau, on est capable de dire des choses et d'écrire des choses. Et donc, c'est un espace où on peut accepter aussi d'avoir des blancs dans nos textes, où on peut accepter d'avoir des mots dans d'autres langues. En fait, c'est pas grave et ça fait du bien. Et puis donc, il y a ces moments ensuite où on partage si on veut. On lit si on veut ou bien on partage sur son expérience, comment on a vécu l'écriture. On est jamais obligé. Moi, je crois que c'est arrivé une ou deux fois que quelqu'un veuille pas partager. Parce que je pense que, souvent, on est quand même porté par le groupe et c'est des moments quand même forts.
[28:07] Notre conversation se termine par quelques réflexions que Nadia partage avec nous. Des réflexions qui résument bien son approche douce, joyeuse et créative de l’apprentissage.
Je crois que toutes ces notions de curiosité, d'émerveillement, c'est vraiment très très important pour moi et dans l'apprentissage, le fait de se poser des questions sur la langue, sur son propre apprentissage, le fait de conscientiser, de remarquer les choses avec conscience, déjà ça permet d'apprendre. Mais ça permet de trouver cette joie aussi. Et ouais, je pense que c'est vraiment ça qu'il faut cultiver. Et peut-être une autre chose aussi, c'est qu'on apprend pas à un niveau avancé comme on apprend à un niveau débutant. Et c'est là que, encore une fois, la curiosité, elle est hyper importante parce que c'est ça qui va nous pousser à essayer autre chose. Il faut pas avoir peur de bouleverser ses méthodes d'apprentissage, de bouleverser ses contenus. [Il] faut être le plus possible créatif et joyeux dans son apprentissage, je pense.
Moi, c'est ce mot-là que j'ai envie de retenir pour la fin, la joie. Je pense que c'est un mot important aussi, la joie dans l'apprentissage exactement. Et je te remercie, merci pour ce moment Nadia.
Merci à toi de m'avoir donné l'occasion de réfléchir de nouveau à ça, de partager ça !
Merci à toi. C'était un plaisir.
Voilà ! C’est tout pour cette semaine. Merci encore à Nadia pour sa confiance. Comme toujours, je vous encourage à rejoindre la communauté du podcast sur Patreon. C’est un espace d’échange où je partage des ressources et les transcriptions des épisodes. Pour soutenir le podcast, vous pouvez en parler autour de vous et mettre une note sur Apple Podcasts et Spotify. Et puis, si vous avez écouté l’épisode jusqu’à la fin, n’hésitez pas à m’écrire pour partager vos réflexions avec moi. En attendant, je vous remercie d’avoir pris le temps de nous écouter, Nadia et moi, et je vous donne rendez-vous bientôt pour le prochain épisode. À très vite !