Être introverti.e, ça signifie quoi pour toi ?
Pour aller plus loin après les épisodes de novembre...
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Salut 👋
Cette semaine, j’ai eu l’immense joie d’accueillir Nadia1 dans le podcast et de partager notre échange avec toi. La place de la joie, notamment dans l’apprentissage, c’est sur ce mot que se termine notre conversation.
Avec Nadia, on a parlé de déménagements, de l’idée de chez-soi, de ce que ça signifie pour elle et de son beau projet d’ateliers d’écriture. En plus de tous ça, on a longuement évoqué le thème de l’introversion.
Comme elle, je suis une personne introvertie. Ce sujet, je t’en avais déjà parlé dans un ancien épisode du podcast. Cette fois-ci, j’ai posé cette question à Nadia : Qu’est-ce que ça signifie pour toi, être introvertie ? Dans un monde où on nous répète qu’une langue est faite pour être parlée, à quoi ressemble ta façon d’apprendre (et donc d’enseigner) ?
Ce morceau manquant de notre conversation, la réponse de Nadia à cette question, tu vas pouvoir l’écouter dans cette lettre.
Être introvertie, pour elle, c’est quelque chose qui a évolué. Avant ça, elle est passée par la timidité. Elle nous raconte ses premières expériences avec l’apprentissage des langues étrangères, et notamment avec l’allemand, sa fascination pour les langues et sa timidité quand il fallait prendre la parole :
Quand j'ai commencé à apprendre des langues étrangères à l'école, pour moi, ça a été vraiment une révélation. J'ai trouvé ça absolument fascinant. J'ai commencé par apprendre l'allemand. Et je me souviens que juste l'idée que le verbe puisse être à un autre endroit dans la phrase, ça m'a complètement bouleversée. Je me suis dit, en fait, ce qui pour nous est important, qu'on met en valeur, pour d'autres, c'est pas la même chose. Et j'ai tout de suite adoré les langues étrangères, leurs sonorités, leurs mots, leurs bizarreries. Mais en fait, comme j'étais hyper timide, j'avais une toute petite voix, je rougissais dès que je prenais la parole. C'était vraiment horrible pour moi de parler dans ce contexte. Et à l'école, on est noté sur notre participation. Et en plus, j'étais une très bonne élève. Donc, avoir des mauvaises notes dans un domaine, c'était vraiment synonyme d'échec pour moi. Et les profs me répétaient tout le temps cette fameuse phrase : une langue, c'est fait pour parler, si tu parles pas, ça sert à rien. Et plus, ils me disaient ça, moins j'avais envie de parler. Et en fait, je me suis convaincue que du coup les langues, c'était pas fait pour moi. Et franchement, c'est triste et c'est faux. Et heureusement qu'une partie de moi est restée accrochée à cette passion, je pense.
Au-delà de la timidité, cette passion est restée. Une chose qui a peut-être joué, c'est ce qu’elle a vécu quand elle avait quinze ans. C’est l’âge qu’elle avait quand elle est partie pendant quinze jours dans une famille d'accueil en Allemagne. Elle nous raconte l’accueil chaleureux de cette famille, l’importance de se sentir en sécurité :
Pendant ce séjour, j'ai quasiment pas parlé. J'arrivais à dire des trucs dans ma tête. Mais les mots, ils sortaient pas en fait. Je pouvais pas. J'étais vraiment trop timide. Mais j'ai écouté beaucoup et ça m'a beaucoup apporté ce séjour. Et surtout, j'ai été accueillie vraiment chaleureusement et tous les membres de la famille me parlaient, tout le temps, et surtout ils respectaient ma timidité. Jamais ils m'ont dit : bon allez, fais un effort, il faut que tu parles. Non, ils m'ont vraiment prise comme j'étais. Et je me suis sentie en sécurité en fait. Et je crois que, en faisant ça, ils m'ont vraiment fait un grand cadeau. Je crois que, quand on est introverti, on a besoin de se sentir en sécurité. On a besoin de sentir qu'on va avoir le temps, qu'on va avoir l'espace, qu’on va pas être forcé, que les choses vont pouvoir venir de nous-mêmes. On a besoin de choisir notre moment. Donc, ça passe par des petites choses comme ça en fait.
Pour Nadia, “on peut tout à fait vouloir apprendre une langue étrangère non pas pour la parler, mais juste pour la lire, juste pour le plaisir de plonger dans un autre système de pensée”. La grande majorité de ses élèves sont des personnes introverties qui veulent toutes et tous parler français, rencontrer des gens, échanger et discuter.
Dans ce dernier extrait, elle revient sur ce que ça (ne) veut (pas) dire, être introverti, sur la langue du quotidien et sur l’importance de créer des espaces où tout le monde se sentira à l’aise, y compris les personnes introverties :
Être introverti, ça veut pas dire vouloir rester dans son coin et pas parler. Mais je crois qu'il y a beaucoup de choses dans le monde de l'apprentissage des langues étrangères qui peuvent mettre les introvertis mal à l'aise et même nous décourager en fait. Parce qu'on entend souvent, par exemple, pour apprendre une langue, il faut aller dans le pays. Il faut parler avec le plus de monde possible. Mais en fait, tout le monde peut pas faire ça, aller dans la rue et parler à des inconnus pour leur dire deux-trois mots. C'est pas donné à tout le monde. Moi, je le fais pas même dans ma langue. Et puis en plus, non, c'est pas vrai, on peut très bien apprendre le français sans venir en France, sans aller en Belgique. Et personnellement, par exemple, pour l'italien, c'est pas de vivre en Italie qui m'a aidée à apprendre l'italien. C'était vraiment trop de stress l'italien du quotidien, l'italien des interactions sociales. Les interactions sociales, elles sont hyper codifiées et elles sont pas profondes. Finalement, je trouve que, dans une langue étrangère, c'est la partie la plus difficile à apprendre. Et en fait, c'est pas forcément celle qu'on cherche quand ce qu'on veut, c'est se connecter à d'autres humains. Pouvoir commander du pain, commander une bière, demander son chemin, oui, c'est utile et c'est important. Et souvent, c'est les situations dans lesquelles on va se sentir mal à l'aise. Et c'est souvent en plus, je trouve ça fou... J'ai des élèves qui parlent hyper bien. On peut parler une heure de sujets hyper pointus2 ou bien une heure à passer d'un sujet à l'autre. Et puis, ils vont en France et ils se retrouvent dans des situations sociales où ils ont pas les mots exacts, ils ont pas les codes exacts dans ces petites interactions du quotidien, et ils vont se dire : ah mais du coup je parle pas français. Parce qu'on a cette espèce de critère que, parler français, ça serait pouvoir échanger deux mots avec la boulangère sans se sentir mal à l'aise. Et c'est fou. Ça me questionne beaucoup.
Par rapport à l'introversion et l'apprentissage des langues, je pense qu'il y a peut-être beaucoup d'introvertis qui ont été un peu traumatisés par les cours de groupe. Parce que dans une société où c'est plutôt l'extraversion qui est valorisée, il y a pas souvent de la place pour nous dans les groupes. Mais heureusement, je pense qu'il y a de plus en plus d'enseignantes et d'enseignants introverti.e.s qui commencent à en prendre conscience et qui savent créer des espaces où tout le monde se sentira à l'aise et tout le monde trouvera son compte.
Nadia avec ses ateliers d’écriture, moi avec la communauté Passerelles et les ateliers de conversation que j’y propose, c’est ce qu’on essaye de faire à notre échelle. Créer des espaces où se sent accompagné, accueilli, écouté, encouragé, respecté…
Et toi, est-ce que tu es une personne introvertie ? Comment cela influence tes expériences avec l’apprentissage des langues étrangères ? Dis-moi tout !
Comme toujours, si tu souhaites partager tes réflexions avec moi ou me poser des questions, n’hésite pas à répondre à cette lettre.
À très vite,
Emilie
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Au mois de novembre, on s’est demandé qui était Agnès Varda, ce personnage unique, notamment dans le monde du cinéma. Et avec Nadia, on a parlé de déménagements, de chez-soi et de ses ateliers d’écriture. Dans cette section de la newsletter, je reviens sur des expressions que j'utilise dans les épisodes du podcast.
Pour moi, Agnès Varda, c’est ça, un personnage qui apparaît dans ses films, un cinéma unique. Agnès avait beaucoup de fantaisie. Elle avait toujours l'œil “malicieux”.
Malicieux ? C’est un faux-ami je crois. Être malicieux ou malicieuse, c’est aimer plaisanter. Il y a pas d’idée de méchanceté dans ce contexte.
Avec Nadia, on a beaucoup parlé de l’idée de chez-soi, de ce que ça signifie pour elle qui a vécu longtemps à Paris, mais aussi à l’étranger avant de s’installer à Toulouse. À Paris, elle se sent chez elle. Elle “connaît certaines rues comme sa poche”.
Connaître un endroit comme sa poche ? Ça veut dire le connaître par cœur.
Si tu as un doute sur un mot que j'utilise dans le podcast, n'hésite pas à m'écrire. Je suis heureuse de t'apporter quelques précisions si tu as des questions !
Dans un entretien donné au journal Le Monde, Agnès Varda nous dit “Je crois qu'il faut défendre les idées pas très claires...” Des dates et des idées, c’est un agenda créé par Laura Giraud à remplir selon ses préférences, à commencer et arrêter quand on le souhaite et reprendre avec envie. Un espace pour noter “toutes les choses à ne pas laisser s’échapper”. Moi, j’ai déjà précommandé le mien, mais elle organise un concours sur son compte Instagram où elle offre un exemplaire de cet agenda. Le tirage au sort aura lieu le 1er décembre si ça te dit de participer !
Le matin, avant ma conversation avec Nadia, j’avais un peu de temps devant moi. Et j’ai lu un livre qui m’a coupé le souffle : rien n’est su de Sabine Garrigues. Écrit au fil des ans après la disparition de sa fille au Bataclan en 2015, il a donné naissance à une pièce radiophonique diffusée en 2022 sur France Culture sous le titre : Nuit de guerre à Paris. “Un livre fort, poignant, triste, bouleversant, pourtant très beau. Une maman perd sa fille. Elle écrit sur la douleur, sur l’incompréhension. Sur l’absence d’un être cher, sur le deuil mais aussi sur la vie.”
P.S. – Pendant notre rencontre mensuelle sur Patreon, on a discuté de nos lectures. Je te laisse avec une citation tirée d’un livre que j’ai lu récemment. “Une grammaire, c’est avant tout du rêve et de la poésie. Et ce à tous les niveaux [...], mais surtout dans la structure même de la langue étudiée, car chaque idiome a sa propre manière de passer du réel au discours, donc porte un regard différent sur le monde […]. Cette poétique spontanée, fruit de millénaires d’élaboration collective et pour l’essentiel inconsciente m'émerveille.”
Écrire en français, c’est quelque chose qui t’attire, ou au contraire qui t’intimide un peu ? Nadia est la personne à suivre pour ça ! Elle accompagne des apprenant.e.s dans l’écriture en leur proposant des ateliers. Ce mois-ci, le thème, c’est Hypothèses.
Pointu, voilà un mot intéressant qui a plus d’une signification. Dans ce contexte, un sujet pointu, c’est un sujet précis.
C’est un espace où tu peux accéder aux transcriptions des épisodes et à des ressources supplémentaires pour “apprendre à mieux écouter”. J’organise aussi une réunion par mois sur Zoom pour qu’on puisse échanger ensemble et réfléchir en français (replay audio disponible). Rejoins-nous en décembre !
Vos podcasts traitent de sujets qui m'intéressent. Je passe donc du temps à les écouter. Et mon français s'améliore. C'est un cercle vertueux
Merci beaucoup Emilie pour cet article. Ça m’aidait pour comprendre mon fils qui est un introverti.
J’ai ecouté votre podcasts , tous , et je te remercie pour le qualite et mode d’appartage.
depuis que j'ai commencé à écouter ton podcast, je ne me sens plus seul . J’ecris raremente Français, mais je comprends 99% le contenu. J’ai pleuré beaucoup en ecoutant le conversation avec ta mère. Tu es formidable, et je t’apprecie beaucoup